Et si Saint-Gilles assumait son grand zizi mou ?
Charles PicquĂ© a dĂ©cidĂ©. On range le zizi de la BarriĂšre. Enfin, on dĂ©lie les cordons de la bourse (communale), on envoie les petits soldats (communaux) et on efface la gentille bĂ©bĂȘte.
Mais quelle mouche a piquĂ© Charles, pour prendre une dĂ©cision aussi ringarde ? Le souci d’affirmer sa propre rigiditĂ©Â ?
Parce qu’enfin, nous sommes Ă Bruxelles, un des berceaux du surrĂ©alisme. Nous vendons mĂȘme çà à l’Ă©tranger pour donner une image positive de la ville et faire (re)venir les touristes. Bruxelles, dont lâemblĂšme est par ailleurs un petit bonhomme qui exhibe son zizi.
Et puis, d’autres artistes ont dĂ©jĂ bravĂ© les interdits pour garnir des murs aveugles de Saint-Gilles (deux fresques monumentales de Bonom dans le quartier de la Porte de Hal, dĂ©jĂ ) et d’autres communes. Et, heureusement, on leur fout la paix. Enfin, pour l’instant.
On entend dans les mĂ©dias ceux qui veulent un rĂšglement. Parce qu’il faut rĂ©glementer. DĂ©cider ce qui est interdit et puis aussi ce qui est tout Ă fait encore plus interdit. Ceux-lĂ , ils radotent dans les articles des mĂ©dias en ligne, Ă cĂŽtĂ© d’images diffusĂ©es des milliers de fois de ce zizi, qu’ils estiment pourtant devoir ĂȘtre extrait du regard. Ils pensent qu’un nouveau rĂšglement dissuaderait Ă l’avenir des street artistes, dont la transgression fait partie intĂ©grante des Ćuvres, de dessiner tel ou tel objet dans l’espace public⊠Un crĂ©do plus qu’autre chose. Et puis rĂ©glementer sur quoi, vu la myriade de rĂšglements qui existent dĂ©jĂ concernant l’urbanisme et l’espace public ?
Les Ćuvres monumentales « illĂ©gales » sur murs aveugles font partie du patrimoine culturel de Saint-Gilles et de Bruxelles, mĂȘme si elles sont par essence plus ou moins Ă©phĂ©mĂšres. Elles sont, quelque part, complĂ©mentaires Ă des dĂ©marches bien plus cadrĂ©es et consensuelles, mais nĂ©anmoins intĂ©ressantes, comme les parcours de fresques avec personnages de BD. Elles illustrent la vitalitĂ© culturelle de la ville, sa capacitĂ© Ă s’interroger et sortir des sentiers battus. Elles font que Bruxelles est Bruxelles, avec certes son chocolat, mais aussi sa capacitĂ© Ă l’auto-dĂ©rision, sa zwanze, ses artistes prĂ©curseurs, ultra-crĂ©atifs et parfois gentiment olĂ©-olĂ©. En plus, en lâoccurrence, si l’oeuvre peut certes choquer certains, elle ne comporte aucune forme d’agressivitĂ©, ni mĂȘme d’opposition (si ce n’est Ă la pudibonderie) ; son message est ambigu, questionnant⊠et donc intĂ©ressant.
Avant de monter aux barricades et palissades pour effacer au plus vite le zizi, que la commune investisse d’abord pour amĂ©liorer la propretĂ© des rues, dĂ©plorable, ou encore rĂ©sorber les lĂ©gendaires retards de son service urbanisme. Ca sera rendre un meilleur service aux Saint-Gilloises et Saint-Gillois.
Saint-Gilles se veut « amie des artistes ». Elle a lancĂ© le premier Parcours d’artistes et regorge d’ateliers et associations Ă vocation crĂ©ative. Cela fait partie de son identitĂ© et son attractivitĂ©. Saint-Gilles, sans les artistes, ne serait pas Saint-Gilles. Raison de plus pour, Ă la vue de ce zizi malicieux, ne pas jouer les vierges effarouchĂ©es.