Une certaine vision socialiste de l’enseignement à Saint-Gilles

Publié le 27/11/15
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 Intervention au conseil communal du 26 novembre 2015

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Monsieur l’échevin,

Nous y voilà donc, à cette fameuse fermeture de Pierre Paulus. Parce qu’il faut bien appeler un chat, un chat, je sais que vous préférez parler de reprise. Moi, j’appelle ça une fermeture certes avec une reprise partielle et grzduelle, mais seulement pour une partie des options. A partir de la rentrée 2017, Pierre Paulus n’existera plus, ni à Saint-Gilles ni à Anderlecht, il sera bel et bien absorbé et fondu dans l’institut Emile Gryzon et l’institut Pfeiffer de la Cocof. L’école non seulement comme institution n’existera plus, mais son nom non plus.

Cette fermeture, M. Hutchinson est la chronique d’une mort annoncée. Depuis que je suis conseillère communale, c-à-d depuis bientôt trois ans, je vous interroge régulièrement sur Pierre Paulus et ses soubresauts. Et ça fait maintenant un an que je vous questionne aussi régulièrement sur l’éventuelle fermeture de Paulus qu’on voyait bien se profiler avec l’extinction du premier degré et la fermeture de plusieurs options, jusqu’au dernier conseil communal d’octobre où vous nous avez encore répété que vous ne fermeriez pas. Et ça fait donc pratiquement un an que vous nous baladez de dénégation en dénégation alors que vous saviez que vous alliez fermer cette école.

Alors, évidemment, vous n’êtes pas, vous, responsable du déclin de cette école et je vous reconnais un certain courage à avoir essayé de la sauver. Il faut l’avouer, vous avez hérité d’une école qui a connu ces dernières années une histoire pour le moins chahutée : arrêts de travail en pagaille, climat délétère, préavis de grève, guerre des clans, rumeurs de fermeture, de regroupement, incivilités diverses, absentéisme important des profs et des élèves et pas moins de 6 directions depuis 2002.

Vous n’avez sans doute pas ménagé vos efforts pour redresser la barre, mais trop tard, beaucoup trop tard. La réputation de l’école a eu raison de son avenir. Force est de constater que le navire Paulus, resté sans capitaine trop longtemps a eu du mal à retrouver le cap, réduire la voilure n’a pas sauvé le bateau et il s’est longtemps cherché une boussole…

Pierre Paulus n’a pas été dans les priorités politiques de la commune pendant plus de 20 ans. Sous vos prédécesseurs à ce poste et sous toute l’ère de M. Picqué. Il semble par ailleurs évident que, hormis vous, le sort de cette école est le cadet des soucis du Collège globalement et du Bourgmestre et constitue une fameuse épine dans le talon scolaire saint-gillois. Une épine dont il faut manifestement se débarrasser. Fermer une école ce n’est pas anodin pour une commune, je ne vais pas vous ressortir Victor Hugo rassurez-vous, mais Paulus était souvent la dernière planche de salut pour toute une série de jeunes exclus des autres écoles. Ce n’est pas anodin pour eux, ni pour leurs professeurs.

Vous arguez pour justifier sa fermeture que seuls 13 % d’élèves saint-gillois la fréquentent, un argument pourtant que vous ne découvrez pas, il était déjà le même lorsque vous prétendiez ici même au conseil communal que l’école Pierre Paulus avait toute sa place dans le paysage scolaire saint-gillois et que vous alliez vous battre pour la redresser. Et vous n’êtes par ailleurs pas le 1er PO à organiser une école dont la majorité des élèves ne proviennent pas de la commune et plein d’enfants saint-gillois fréquentent des écoles d’autres PO communaux. Vous évoquez également le boom démographique pour justifier la création d’une nouvelle école secondaire, ce en quoi on vous suit entièrement, Saint-Gilles a besoin de nouvelles places, mais avouez qu’il est étrange lorsqu’on invoque le boom démographique d’ouvrir une école, tout en en fermant une autre.

Par ailleurs, nous restons circonspects sur les mesures d’accompagnement des élèves proposées. Le Cpeons et le PMS vont-ils vraiment pouvoir s’occuper de recaser les 180 élèves (puisqu’on parle d’un tiers) qui voient leurs options supprimées ? Et que va-t-il advenir des enseignants non repris par la Cocof au 1er septembre 2017 : tous ceux qui n’auront pas eu la chance d’être nommés et qui vont se retrouver sur le carreau ? Cette fermeture va s’accompagner de pertes d’emploi même s’il y a reprise partielle par la Cocof. Vous avez par ailleurs supprimé 6 des 10 options du Cefa (dont électricien et mécanicien), des sections pourtant porteuses sur le marché pour notamment conserver une option vente qui n’offre pratiquement aucun débouché. Votre sélection s’est opérée en fonction de critères strictement institutionnels et politiques (c’est-à-dire l’offre du Ceria et la valorisation d’Anderlecht, à l’avantage de Mme Laanan) sans aucun souci de l’intérêt des élèves et de la pertinence des sections par rapport au marché du travail.

IMG_1184Nous pointons donc clairement cette faillite du système de gestion communale et la responsabilité de la commune dans la fermeture de Pierre Paulus. Ce n’est pas acceptable : la Commune ne peut se défausser de ses responsabilités alors même qu’elle ambitionne d’ouvrir une nouvelle école secondaire !

Enfin, je voudrais en venir aussi à un autre argument qui justifie la fermeture de Pierre Paulus et que vous vous gardez bien d’avancer, c’est le changement de site pour l’implantation de la nouvelle école secondaire. Je sais M. Hutchinson que vous étiez un ardent défenseur de l’ancien site de l’Ecam, non loin de la place Bethléem, mais que vous avez du capituler devant un projet de M. Picqué et Mme Marcus, à savoir la création d’une méga crèche de 164 places sur ce site, pour lesquelles par ailleurs, seules 48 places ont à ce jour la garantie d’être financées, le reste étant hypothétique. Il a donc fallu trouver un autre site, et oh que ça tombe bien, il y avait là, rue de la Victoire et de la Croix de pierre justement une école professionnelle et technique à fermer avec des élèves socio-économiquement défavorisés et des parents qui ne sont pas armés pour se mobiliser, quel cynisme !. Vous avez donc, pour pouvoir créer la nouvelle crèche sur le site de l’Ecam, sacrifié votre seule école secondaire d’enseignement technique et professionnel et ainsi rater une belle occasion de faire de la réelle mixité au sein de la nouvelle école secondaire à pédagogie active ce qui n’aurait pas manqué si elle était restée près de la place Bethléem. Parce que le décret inscription s’il n’est pas modifié ne va pas favoriser la mixité attendue à la nouvelle implantation rue de la Victoire. L’indice composite du décret inscription comprend 7 coefficients dont 3, et ils sont prépondérants dans le calcul de l’indice, concerne la distance école primaire et domicile, la distance domicile et école secondaire (et c’est le seul qui évoque le rayon de 4 km) et la distance école primaire et école secondaire. Vous le savez en implantant la nouvelle école dans le haut de la commune, vous rendez plus difficile l’accès pour les élèves du bas. Je vais d’ailleurs vous rappeler vos propres propos en réponse à une de mes questions en 2013 quand je vous interrogeais sur l’implantation de la nouvelle école sur le site de l’Ecam : « Je suis content d’installer une école comme celle-là dans le bas de Saint-Gilles et pas de l’installer nécessairement à côté de la rue Saint-Bernard. Je pense que nous devons offrir une possibilité d’étude de qualité à l’ensemble de nos jeunes sur Saint-Gilles ». Ironique à la relecture.

Autre surprise, après le changement de site, le changement de PO. Vous nous aviez fait miroiter une école secondaire avec pour la première fois à Bruxelles, un PO intercommunal Forest-Saint-Gilles, fort bien. Sauf que vous faites à présent volte-face, ce sera finalement un PO communal traditionnel, juste Saint-Gilles donc. La sainte alliance Forest-Saint-Gilles semble connaître quelques lézardes et Forest annonce qu’ils n’ont pas de budget pour cette nouvelle école, sans compter qu’ils ne voient effectivement pas ce qu’ils auront à gagner dans ce projet, a fortiori là où l’école va à présent être située. Fini donc le PO intercommunal, en passant vous devriez en avertir l’échevine forestoise de l’Enseignement, madame Père, parce qu’elle n’était pas au courant. Elle attend de vos nouvelles depuis le mois de septembre semble-t-il… Et en passant aussi, je serais intéressée de savoir combien ont coûté les différentes études juridiques pour la création de ce PO intercommunal qui devait être une grande première ? Pourriez-vous nous donner des chiffres ?

Mais si nous sommes critiques sur l’implantation et les soubresauts de ce projet, soyons clairs, nous lavons toujours soutenu et continuerons à le soutenir. Vous ne pouvez pas nous prendre en défaut sur ce point. Saint-Gilles a besoin de nouvelles places et d’une école avec un vrai projet pédagogique, ouvert et inclusif tel qu’il semble se dessiner, mais nous le répétons pas au sacrifice de Pierre Paulus et encore moins en ratant l’opportunité de créer une école secondaire à pédagogie active dans le bas de la commune avec une vraie chance de mixité.

Mon groupe tout en vous soutenant sur la création de la nouvelle école, ne vous soutiendra pas dans votre décision de fermeture de Pierre Paulus, c’est pourquoi nous vous demandons de scinder le vote sur les deux dossiers. Il n’est pas normal que vous nous demandiez de voter sur deux décisions distinctes du Collège. Il y avait moyen de créer une nouvelle école sans sacrifier Paulus. Ce sacrifice est un choix.

Catherine Morenville

Conseillère communale – Groupe Ecolo-Groen