Saint-Gilles passe au flicage social(iste) généralisé
La majorité PS-MR soumet au Conseil communal de ce jeudi 27 novembre deux textes qui visent, ensemble, à mettre en place sur la commune un système assez radical de flicage de la population afin de lutter contre la “fraude sociale” (surtout sur les statuts isolé et cohabitant) et de pouvoir plus facilement refuser des inscriptions au registre de la population ou même radier des habitants de ce registre.
Le premier texte soumis au vote vise à instaurer un système généralisé de sous-numérotation au sein des immeubles avec plusieurs logements. On le sait, Saint-Gilles compte de nombreuses maisons, au départ unifamiliales, mais ensuite divisées en plusieurs unités de logement. Si ce texte devait être voté, chaque unité devra être clairement et lisiblement identifiée par un numéro “interne” au bâtiment. Le but, inscrit dans les considérants de la décision: “pouvoir lier chaque personne inscrite dans les registres de la population à une habitation et par conséquent, à un ménage (isolé ou composé de plusieurs personnes)”. Pour le moment, sur base du seul numéro de la maison, il est en effet impossible ou très difficile de déterminer qui, dans les habitants, forment des ménages avec qui. La commune, par ailleurs, ne connait pas toujours la situation de fait, le nombre de logements effectifs dans les habitations.
Le deuxième texte est une modification du règlement sur les domiciliations et radiations des registres de population et sur les enquêtes de police liées. Dorénavant, il est demandé aux policiers, lors de leur enquête de “porter une attention particulière à la composition de ménage de l’ (des) intéressé(s). La composition de ménage déclarée par le citoyen doit faire l’objet d’une vérification dans les faits”. En gros, la police ne va plus seulement vérifier si vous résidez bien là où vous le déclarez, mais aussi avec qui. Le “dans les faits” du texte pose question… Comment va faire la police ? Compter les brosses à dents ? Ouvrir les garde-robes ? L’objectif, là aussi, est tout à fait explicite dans les considérants du texte : pour la majorité PS-MR, les registres de la population “constituent un des éléments de base d’une politique efficace en matière de tranquillité et de sûreté publiques”, mais, surtout “constituent également une base dans les rapports sociaux; l’ensemble des instances autorisées à les consulter via le Registre national doivent pouvoir être certaines des données encodées au niveau communal”.
Concrètement, la généralisation d’un système de sous-numérotation, cumulée aux nouvelles exigences lors des enquête de police sur les domiciliations, ressemble bel et bien à une grande manoeuvre visant à faire du nettoyage social: identifier les logements non déclarés et se donner les moyens de radier leurs occupants, identifier des personnes qui cohabitent alors qu’elles sont déclarées isolées… Les perdants à venir: les sans-papiers et squatteurs, les personnes qui louent un logement non conforme urbanistiquement (logement qui risque de se retrouver sans sous-numérotation et donc inexistant), les personnes qui se déclarent isolées mais qui partagent néanmoins un logement avec quelqu’un (et qui perdront ainsi des droits sociaux, même si le “ménage” en question n’en n’est pas vraiment un)…
Inacceptable. Définitivement
Bref, dans une commune à majorité absolue socialiste, on va mobiliser de grands moyens humains et administratifs… pour faire, pour l’essentiel, de la chasse aux pauvres. Ca va bien plus loin encore, concrètement, que ce que le gouvernement fédéral MR-NVa a annoncé: utiliser les données des fournisseurs gaz et électricité aux fins également de “chasse à la fraude”…
Pour Ecolo-Groen, ces deux textes sont inacceptables. D’abord, sur le fond, parce que les moyens publics doivent être utilisés pour lutter contre la pauvreté et ses déterminants et non contre les pauvres eux-mêmes. Saint-Gilles a avant tout besoin d’écoles et centres de formation de qualité, d’emplois de proximité, de services sociaux plus performants… Pas d’un flicage à grande échelle. Sur la forme ensuite: les textes semblent quasi impraticables. Comment faire pour imposer cette sous-numérotation dans tous les immeubles, comme le stipule le texte ? Concrètement, comment l’administration, déjà débordée au niveau des services population et urbanisme, va-t-elle faire face ? Comment la police sera-t-elle mobilisée ?
Ces textes posent aussi des questions sur leur conformité aux règlementations relatives à la vie privée, ainsi que celle générale relative à l’inscription dans les registres de population (le fait d’habiter dans un immeuble non conforme ne pouvant légalement, par exemple, être un motif de non inscription). Il y a fort à parier qu’ils ne résisteraient pas à un recours auprès d’une juridiction ad hoc.
Quoi qu’il en soit, lors de la séance de travail du lundi 24, nous avons posé de nombreuses questions sur ces textes. Suite à celles-ci, à l’incapacité du collège de répondre clairement, aux “flottements” assez ostensibles dans la majorité et à un intérêt de la presse pour la question… Charles Picqué nous a écrit mercredi 26, veille du Conseil, pour nous signifier que les points étaient reportés et qu’un groupe de travail serait mis en place. Dans La Capitale, il maintient cependant bien sa volonté de faire voter les textes en décembre.
Pour nous, le combat continue. Notre seul objectif, si nous devions participer à des groupes de travail est de faire en sorte que ces textes soient mis au placard une bonne fois pour toute. Vu leurs objectifs et les moyens mis en oeuvre, nous ne voyons pas comment les amender pourrait les rendre d’une quelconque manière acceptables.
Les liens vers les PDF des règlements en question, mis à l’ordre du jour du Conseil : 141127 REGLEMENTNUMEROTATION et 141127 REGLEMENTRESIDENCE